Le président burkinabè Roch Marc Christian Kaboré, pourtant accusé d’”immobilisme” face aux attaques jihadistes qui minent son pays, a réussi son pari d’obtenir un second mandat dès le premier tour et tendu jeudi la main à l’opposition qui a contesté par avance les résultats.
Selon les résultats encore provisoires annoncés par la Commission électorale indépendante (Céni) M. Kaboré a été réélu avec 57,87% des suffrages devant 12 autres candidats, à commencer par Eddie Komboïgo (15,84%), candidat du parti de l’ex-président Blaise Compaoré, dont le régime fait l’objet d’une nostalgie croissante.
Considéré jusque là comme le chef de l’opposition, Zéphirin Diabré n’arrive qu’en troisième position avec (12,46%), devant Kadré Desiré Ouédraogo, ancien Premier ministre de M. Compaoré.
Le clan présidentiel avait prédit, comme en 2015, une victoire au premier tour, soulignant les qualités d’homme d’Etat de M. Kaboré, face à une opposition qui avait conclu un pacte de soutien mutuel en cas de second tour.
Sans fournir de preuves, l’opposition avait affirmé à la veille du scrutin de dimanche qu’une “fraude massive” était en préparation, menaçant de ne pas reconnaître “des résultats entachés d’irrégularité”.
“Il est absolument inconcevable après avoir parcouru tout le Burkina Faso de penser avoir un parti gagnant dès le premier tour”, avait notamment indiqué M. Diabré.
M. Kaboré a tenu un discours rassembleur dès l’annonce de sa victoire, lançant des appels du pied à l’opposition.
“Dans une élection, il y a un vainqueur et des gens qui ont perdu. Mais cela ne doit pas nous détourner du fait que nous sommes tous des Burkinabè aspirant à construire ensemble un Burkina Faso meilleur pour l’ensemble des populations”, a-t-il dit, promettant une “concertation permanente” et “d’être le président de tous les Burkinabè, sans exception”.
Pays sahélien pauvre et enclavé, le Burkina Faso (20,3 millions d’habitants) est en proie depuis 2015 à des attaques jihadistes récurrentes qui ont fait au moins 1.200 morts et plus d’un million de déplacés internes. Des pans entiers du territoire échappent au contrôle de l’Etat.
Selon la Céni, le Corps électoral a été ramené de 6.490.662 à 5.893.4000 en raison de la non-ouverture de quelque 1.300 bureaux de vote à cause de l’insécurité liée aux groupes jihadistes. Quelque 800 autres bureaux censés ouvrir sont restés fermés.
– Majorité à l’Assemblée nationale? –
Les éventuels recours doivent être déposés au Conseil constitutionnel ou le Conseil d’Etat dans les sept jours à compter de l’annonce des résultats. Le Conseil constitutionnel ou le Conseil d’Etat doivent proclamer les résultats définitifs dans les quinze jours qui suivent l’expiration du délai imparti pour les recours.
Le gouvernement a “condamné avec fermeté toute dérive” et “invité l’ensemble des parties prenantes (au scrutin) à un strict respect des textes en vigueur”.
Les partis de la majorité présidentielle ont eux appelé mardi au “respect des résultats”, assurant que “les insuffisances relevées, bien que regrettables, ne sont pas d’une ampleur susceptible d’impacter de manière significative le résultat du scrutin”.
Le représentant spécial du secrétaire général de l’ONU pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel, Mohamed Ibn Chambas, avait évoqué les critiques de l’opposition, encourageant les acteurs “à recourir aux voies constitutionnelles et légales existantes pour régler les contentieux éventuels”.
Réputé consensuel, le président Kaboré doit surveiller de près les résultats des législatives qui se sont également tenues dimanche, dont l’annonce par la Commission électorale est attendue vendredi. Si sa victoire à la présidentielle était prévue par la plupart des observateurs, il pourrait avoir des difficultés à obtenir une majorité absolue à l’Assemblée nationale.
M. Kaboré, qui a promis plus de résultats dans la lutte contre les groupes jihadistes, devra tenter de réaliser cette promesse dès le début de son second mandat. Comme un symbole, cinq Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), des civils participant à cette lutte, ont été tués dans une attaque mardi.
La création de ces milices pour aider les forces de sécurité était une des réponses aux attaques jihadistes proposées par le président Kaboré. Mais malgré de lourdes pertes, à l’image de l’armée ces volontaires n’ont pas réussi à enrayer la spirale de violences.
AFP