La mise en place d’une sélection nationale gouvernementale n’est pas donnée à tout le monde. Ce n’est non plus chose aisée. Du moins pour les aspirants entraineurs. Surtout quand tout le monde a mouillé le maillot. Ou presque. En tout cas, difficile de distinguer ceux qui ont réellement imbibé leurs maillots de ceux qui n’ont pas transpiré suffisamment pour mouiller les leurs à la sueur de leurs fronts.
Tout compte fait, tout le monde était trempé par l’orage sous laquelle la finale a été disputée. Seul un vétéran de la trempe d’Alpha Condé, sélectionneur d’une équipe, trois fois championne consécutive, peut faire la part des choses. Pour le commun des supporters comme moi, c’est ce qu’on appelle avoir du pain dans le four.
Comme Alpha Condé connait son affaire, il a trouvé l’équation. Gouverner autrement. Ça devient moins compliqué pour ceux qui étaient habitués à se débrouiller autrement. Il y a dans cette équation quatre situations à aborder autrement, avant que nos experts en survie ne prennent les devants pour faire autrement, les choses qu’ils devront désormais faire autrement. Tel que je connais mes frères d’armes, quatre choses certaines peuvent être certaines.
• Les inamovibles garderont leurs postes. Et ils apprendront très rapidement à trinquer autrement leurs pots de vin sous la table.
• Les polyvalents changeront de portefeuilles sans quitter les affaires. On découvrira sans tarder qu’ils renégocient autrement les taux de commissions des contrats juteux. Avec une légère hausse pour couvrir les risques du métier.
• Quant à ceux qui écoperont de cartons rouges, ils continueront à surfacturer des marchés faramineux autrement, même étant sur les bancs de touche. Sélectionnés une fois, sélectionnés pour toujours.
• Les réservistes qui fouleront la pelouse pour la première fois ont déjà leurs plans sans faille. Comment attribuer des biens mal acquis à un proche. Il suffit de savoir s’y prendre autrement. Par exemple, mettre ses villas, châteaux sur la côte d’azur et autres appartements luxueux parisiens aux noms des maitresses d’école, mè犀利士
res de leurs enfants illégitimes. Puisqu’on connait le topo des maisons aux noms des épouses et des enfants légitimes. Désormais, c’est le soleil des maitresses qui brillera autrement dans le ciel de notre avenir radieux. Ce n’est qu’une maitresse d’école qui donne simplement des leçons à papa pour que celui-ci à son tour fasse réviser le rejeton.
Quand tombera, en fin de compte, la liste de la nouvelle sélection gouvernementale, les uns applaudiront, d’autres pleureront. A regarder de près, pour des motifs pas tout à fait différents que ça.
Certains applaudiront pour saluer le départ de leurs ennemis jurés du gouvernement. Que reproche-t-on à ce pauvre ? Parce qu’on dit tout simplement qu’il avait été premier en classe de CP1 une ou deux fois, qu’il se croit premier en tout. Celui qui allait à l’école à pied, roule aujourd’hui dans un véhicule administratif de fonction et une écurie de bolides de sport, avec chauffeur et gardes du corps. Et puis, ceux avec qui il a fréquenté, et qui semblent bien le connaitre, disent qu’aucune fille ne voulait de lui. Aujourd’hui, il joue au Don Juan dans les couloirs et antichambres du ministère avec des portefeuilles bien garnis.
D’autres applaudiront pour accueillir le largage de leurs rivaux de tous les temps. Les critiques ne sont pas tendres au sujet de cet autre. Toujours à faire la morale. Interrompant les séances de travail pour des heures de prières interminables. Toujours à faire la morale. Ne voulant pas bouffer, ne laissant personne bouffer. Quel genre de chef qui est toujours le premier à arriver et le dernier à partir ? Quel mauvais exemple pour les autres départements ? N’aurait-il pas de chantiers de construction à surveiller comme tous les patrons de son rang ? Pas même un deuxième bureau à visiter où l’attendent
une maitresse d’école dévouée, mère de son fils pas encore déclaré et des dossiers de plus hautes importances de l’Etat à étudier ? Pas étonnant que ça. En bon croyant, il ne touche pas aux pots de vin, ne prend pas de commissions pour services rendus, ne surfacture pas les factures surfacturées. On comprend pourquoi ce monsieur qui empêche nos chèvres de paître le gazon du département, devait tôt, si ce n’est que tard, partir sous des coups de tonnerre d’applaudissement.
D’autres pleureront. Pour deux raisons.
Celui-ci pleurera de joie à verser d’authentiques larmes de crocodiles pour fêter le limogeage de son meilleur ami dont son dernier rejeton porte le prénom. Après tout, ce n’était qu’un opportuniste. En plus, toujours dernier de la classe. Eternel porte flambeau du peloton des cercles de délateurs. L’ami courroucé par le sort, ne cesse de se dire que le marabout devrait le prévenir en secret que son ami ne serait pas retenu, ou, si le sélectionneur avait publié la liste des sélectionnés une semaine plutôt, il aurait trouvé une personne de la nouvelle équipe plus digne de porter le prénom précieux de son fils. Surtout qu’il vient de réaliser qu’un proche cousin d’une lointaine branche, d’une vague connaissance de courte date, vient d’intégrer la nouvelle équipe. Son fils aurait porté le prénom de quelqu’un de la famille.
Cet autre pleurera de joie avec des yeux rouges de charbonniers parce que son compagnon de maquis pour lequel ils ont pourtant passé tant de nuits blanches de lectures de Coran n’a pas été retenu dans la sélection nationale. Bien fait pour lui. Toujours prêt à offrir des tournées interminables, à la ronde, à toute occasion, tout le temps, à toutes les filles, dans tous les bars, maquis et discothèques confondus. Se comportant comme un baron, maitre d’une fabrique de billets de banque. Faisant ombrage à tout le monde. Maintenant il est temps pour lui d’aller se mettre à l’ombre du manguier qui orne sa concession. Alors, il apprendra à gouter à la chaleur qu’il fait à l’ombre de quelqu’un d’autre.
Quand cesseront les applaudissements, que tarissent les larmes de requins et que les passations de services seront effectives, alors seuls subsisteront quelques hypocrites à faire la politique de l’autruche de la compassion. Car l’on sera déjà à l’heure de « comment se faire de mauvais amis autrement ? ». Comme dirait Cale Darnegie. A ne pas confondre avec Dale Carnegie, l’auteur de « Comment se faire des amis ? ». Chez nous, quand quelqu’un perd son portefeuille ministériel même par hasard, il devient l’ennemi public numéro 1. Y compris de ses meilleurs amis. Quant à celui qui hérite d’un portemonnaie du gouvernement, il devient ami populaire numéro 1. De tout un chacun. Y compris ses pires ennemis.
Si la ressemblance est évidente, et que ce n’est pas vous, c’est donc votre sosie du hasard.
Moussa Cissé
Journaliste