La défense du magnat des mines franco-israélien a attaqué les deux « témoins de la couronne » utilisés par l’accusation. Réponse cinglante du procureur Yves Bertossa.
Le procès du magnat des mines Beny Steinmetz s’est ouvert lundi matin à Genève, avec une série de passes d’armes déjà musclées entre la défense du Franco-Israélien et le premier procureur Yves Bertossa. Les avocats de Beny Steinmetz ont demandé d’écarter du procès les auditions des deux témoins clés de l’accusation, la Guinéenne Mamadie Touré et l’Israélien Ofer Kerzner.
Âgé de 64 ans, Beny Steinmetz est accusé d’avoir obtenu des droits miniers sur le gisement de fer de Simandou, en Guinée, grâce au versement de 8,5 millions de dollars à Mamadie Touré, quatrième femme de l’ancien président Lansana Conté. Les faits remontent aux années 2000 et font l’objet depuis 2013 d’une enquête fleuve dans plusieurs pays, dont la Suisse.
«Cette femme brille par son absence»
À Genève, l’instruction a été menée par le procureur Claudio Mascotto, promu depuis dans une autre juridiction. Ce magistrat a instruit en obéissant à une vision «partisane, sélective, truquante et truquée», dénonce Marc Bonnant, l’un des trois avocats de Beny Steinmetz. Il reproche à Claudio Mascotto un voyage en Israël dont le déroulement et le financement seraient restés mystérieux.
Mais les attaques de la défense se sont surtout concentrées sur le statut de «témoin de la couronne» dont jouissent Mamadie Touré et Ofer Kerzner. La première, protégée par la justice américaine, aurait reçu de l’argent de la Guinée en échange de son témoignage contre Beny Steinmetz. «Cette femme qui se dit avoir été corrompue […] brille par son absence sur le banc des accusés aujourd’hui», souligne Camille Haab, autre avocate de Beny Steinmetz. Elle s’étonne que Mamadie Touré ait pu conserver une maison en Floride, alors que tous ses biens achetés aux États-Unis devaient être séquestrés. La défense demande que ses procès-verbaux d’auditions soient déclarés inexploitables.
Quant à Ofer Kernzer, c’est lui aussi «un témoin de la couronne assumé», cette fois en Israël, estime le troisième avocat de Beny Steinmetz, Daniel Kinzer. Ancien ami et partenaire de l’accusé, Ofer Kerzner s’est retourné contre lui et a livré un témoignage accablant à la justice genevoise. Il y affirme avoir réalisé de faux documents et effectué des paiements occultes pour le compte de Beny Steinmetz.
En Israël, Ofer Kerzner disposerait de promesses d’immunité en échange de ses accusations, selon un «accord occulte qui n’est pas documenté dans la procédure», affirme Daniel Kinzer. Là aussi, la défense demande que son témoignage soit écarté.
«C’est la même énergie à vouloir écarter tout ce qui gène, tout ce qui dérange. Tous ceux qui se mettent en travers du chemin de Beny Steinmetz sont attaqués, tous.»
La réponse du procureur Yves Bertossa à ces attaques s’est faite sur un ton mordant. «Quelle énergie à vouloir écarter des témoignages, a-t-il ironisé, quelle énergie à vouloir écarter des pièces!» Cette attitude a été celle de Beny Steinmetz et de son groupe dans toutes les procédures qui ont visé ses agissements en Guinée, selon lui. «C’est la même énergie à vouloir écarter tout ce qui gène, tout ce qui dérange. Tous ceux qui se mettent en travers du chemin de Beny Steinmetz sont attaqués, tous.»
Pour le procureur, même si le statut de «témoin de la couronne» protégé par l’État en échange de ses accusations n’existe pas en droit suisse, le Tribunal fédéral a jugé que de tels témoignages sont admissibles, à condition de les apprécier avec la prudence requise.
Selon Yves Bertossa, les accusés reprochent à des États étrangers de suborner des témoins alors que c’est Beny Steinmetz lui-même, par l’entremise d’un de ses coaccusés, qui a tenté de suborner Mamadie Touré en lui promettant de l’argent pour détruire des documents compromettants. «De qui se moque-t-on?» a tonné Yves Bertossa. Quant à la maison que l’ex-épouse présidentielle a conservée en Floride, elle est l’unique reste d’un ensemble de propriétés acquises grâce à l’argent de Beny Steinmetz ou de son groupe: «Elle avait une maison de 600 m2 avec piscine, mais grâce à qui?» interroge le procureur.
Après délibération, le Tribunal correctionnel a rejeté les questions préjudicielles soulevées par la défense. Les débats se poursuivent cet après-midi avec l’audition de la femme de confiance de Beny Steinmetz à Genève.
Source : Tribune de Genève