Considéré comme le sauveur, Me Saidouba Kissing Camara est actuellement le maire de Boffa. Dans une interview qu’il nous sa accordée, il nous parle de son bilan, de ces difficultés dans la gestion de la Commune.
lepointguinee : En tant que premier responsable de la commune urbaine de Boffa, globalement quel bilan pouvez-vous présentez à la population ?
Me Kissing Camara : c’est un peu prématuré, nous avons trouvé une Commune qui n’était pas réellement bien installée, il avait beaucoup de problèmes. Le personnel était vieillissant. Nous n’avons trouvé ni immobilier, ni siège adéquat. Il fallait donc s’attaquer à tous ces problèmes pour que la commune retrouve son vrai visage. Ainsi, nous avons créé des structures en mettant en place des commissions de travail qui s’occupent à chaque aspect de la vie. Aujourd’hui, nous avons responsabilisé tout le monde, c’est-à-dire les vices maires ne vont pas seulement s’occuper de la suppléance, mais aussi des postes de fonctionnement. Force est de constater que le premier vice maire s’occupe de toutes les structures de la commune, le 2ème vice maire gère les affaires administratives et le 3ème vice maire est responsable des projets.
Depuis notre arrivée, nous avons mis un cabinet qui tient compte du rajeunissement et de la féminisation du personnel de la dite commune. Mais aussi, nous avons mis en place toutes les structures de communication pour une visibilité de nos actions. C’est pourquoi, nous sommes fiers de ce que nous avons fait. En termes d’investissements, aucune commune n’a fait, au-delà de l’argent de l’ANFIC, qui était à peu près à 8 milliards 400 Gnf, nous avons pu faire deux écoles dans les endroits les plus reculés. C’est le cas de l’île à Sakama où depuis l’indépendance rien n’a été fait pour eux. Nous y avons fait une école de 3 classes avec des toilettes. Une autre école à Kèlèya qui va regrouper 4 villages et un centre de santé très reculé et vraiment accidenté.
Au-delà de cela, dans nos relations, nous avons obtenu un financement de l’Agence Française de Développement (AFD) et du Fonds de document des Nations Unies qui nous a permis d’obtenir un montant de 15 milliards qui a permis de réaliser deux ports artisanaux et un marché moderne à Boffa. Comme vous le savez, les miniers ont complètement pris nos eaux. Pourtant, l’activité principale des populations c’était la pêche. Il fallait donc trouver une solution rapide, c’est pourquoi nous sommes partis faire un port à Dalya et à Boffa Centre, y compris le marché moderne. Aujourd’hui, nous avons une unité de glace, des boutiques modernes, des toilettes, des magasins.
En termes de visibilité, nous sommes en jumelage avec le département de la chambre maritime, avec la ville de Marin et d’autres villes que nous sommes en train de négocier avec la Roumanie. Nous sommes aujourd’hui au niveau de la Guinée, l’unique mairie qui fait partie de l’Association International des maires francophones. De nos jours, nous recevons les volontaires qui viennent de l’Europe chaque année pour nous assister en termes de projets.
Quelles sont les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de votre plan de développement local (PDL) ?
Nous avons des ambitions par rapport à cela, mais les difficultés aujourd’hui c’est les ressources humaines. Sans les ressources humaines motivées et compétentes vous ne pouvez rien faire, il faut des hommes et des femmes compétentes pouvant travailler avec un projet. Il faut engager des gens motivés. Aujourd’hui, les conseillers n’ont aucun franc. Je n’ai pas plus de deux cent mille Gnf. Donc, personne n’est payé, cela décourage les gens.
La deuxième difficulté, c’est le non-paiement des taxes. Les boutiques qui sont là, doivent payer 15 mille francs, mais personnes ne paie les taxes. Nous avons fait la clôture de la mairie sur fonds propre. C’est des milliards d’investissements que nous faisons. Il nous faut recruter un personnel administratif compétent et aguerrit qui peut vraiment nous accompagner dans le cadre de l’amélioration de nos objectifs.
Quelles sont les perspectives pour 2021 ?
Nous voulons que Boffa soit une grande ville moderne. Mais, nous avons des coutumiers qui vendent le terrain n’importe comment, c’est une préoccupation pour nous aujourd’hui. Nous voulons connaitre réellement, quelles est l’occupation réelle du sol de Boffa ? Et quelle est l’orientation que nous voulons donner ? C’est-à-dire une zone minière, industrielle, agricole et d’habitation. Nous avons aussi la culture, les potentialités touristiques. Car, Boffa est une ville touristique, exemple, Kissing, mon village natal, depuis 1812 les blancs étaient là. Donc, c’est des choses qu’on peut valoriser aujourd’hui et qui peuvent vraiment faire venir les tourismes ici. Nous voulons faire des musées communaux et faire inscrire tous ces patrimoines ruraux à l’UNESCO. Créer une ville moderne, c’est cette vision que nous avons, mais il est difficile de le faire, si vous n’avez pas de ressources humaines compétentes.
Quelle est la nature de votre relation avec la jeunesse de Boffa et les différentes sociétés minières de la place ?
La jeunesse est au cœur de notre préoccupation. La situation de la jeunesse et celle la femme, nous concerne à plus d’un titre. A notre arrivée, la première réunion qu’on avait tenue avec les autres maires, c’était avec la jeunesse de Boffa. Personnellement, j’ai mis des moyens à la disposition des jeunes. Si vous partez aujourd’hui à Kolisokho, il y a 256 jeunes qui travaillent avec une masse salariale de plus huit cent et quelques millions, c’est moi qui ai donné 10 million à chacun pour aider des jeunes à se former. Moi je suis un exemple vivant, je suis né ici et grandi ici, c’est ici que j’ai réussi. Je n’ai jamais été à l’extérieur, je n’ai jamais travaillé pour l’Etat à plus forte raison travailler pour quelqu’un, voilà un exemple. On peut réussir ici et sans compter sur personne. Donc, je crois en la jeunesse, mais la priorité, c’est la formation.
C’est aujourd’hui que tout le monde dit que Boffa est une zone minière, quelqu’un vient de dire que c’est la ville la plus pauvre de la Guinée, pourquoi ? Parce que, c’est un paradoxe, comment peut-on être riche et puis pauvre à la fois, parce que compte-tenu des ressources que nous avons ici, nous sommes la région la plus riche de la Guinée, mais nous sommes pauvre pourquoi ? Donc, c’est cela le problème, l’impact réel de la présence de ces sociétés sur la vie de la population, c’est un problème qu’il faut reconnaitre.
Le président de la République a dit comité local, mais les gens ne vont pas respecter, parce qu’il faut signer des conventions d’urbaine locale. C’est ce que les sociétés refusent de signer. Nous avons cette difficulté relationnelle avec ces sociétés minières qui ne participent pas réellement à la vie de la population. Toutes les sociétés qui sont là ne paient rien et n’emploient même pas des jeunes de Boffa. Elles ne donnent pas le marché aux entreprises locales de Boffa. Donc, nous sommes en train de nous organiser pour essayer de contrecarrer cette politique qui ne nous arrange pas. La Commune n’a pas une fonction publique locale, la commune n’emploie pas et les mines qui emploient ne se trouvent pas dans ma commune. C’est avec les autres mairies que nous sommes en coopération ou groupement que nous avons créé pour donner la chance à nos jeunes d’avoir un emploi décent et avoir tout ce qu’il faut aux entreprises locales pour participer au développement de notre préfecture.
Votre message
J’invite toutes les filles et fils de Boffa à venir participer au développement de notre préfecture. Nous avons fait une devise et crée 4 lettre ‘’R’’, la première c’est de rêver, de voir Boffa comme la meilleure ville de la planète, c’est une ville qui reçoit tout le monde, une ville d’hospitalité et d’accueil. La deuxième lettre ‘’R’’, c’est de se réveiller, il ne faut jamais rester sous ces oreillers et oublier le progrès de notre ville. La troisième lettre ‘’R’’, c’est de réaliser. Nous voulons que tout le monde participe à la réalisation de cette ville historique et la quatrième lettre ‘’R’’, c’est de révéler Boffa aux yeux du monde, c’est cela notre ambition, parce que sans les fils du Boffa nous ne pouvons rien. C’est pourquoi, nous invitons tout le monde à venir contribuer pour le développement de Boffa et inviter les amis de cette grande ville historique à nous soutenir. Le même message s’adresse aussi aux autorités à tous les niveaux à commencer par le premier magistrat du pays.
Ibrahima Sory Bangoura