Une « grande coalition de l’opposition », qui regroupe notamment le Pastef d’Ousmane Sonko, Taxawu Senegaal de l’ancien maire de Dakar Khalifa Sall, ou encore le Parti de l’unité et du rassemblement (PUR), a été officiellement lancée ce jeudi 2 septembre. En ligne de mire : les élections locales de janvier prochain. Mais le PDS d’Abdoulaye Wade s’est d’ores et déjà démarqué de cette nouvelle alliance.
Avec notre correspondante à Dakar, Charlotte Idrac
Avec pour logo un oiseau brisant une chaîne, la nouvelle coalition « Yewwi Askan Wi » (autrement dit « libérez le peuple »), en gestation depuis plusieurs mois, a été lancée dans une salle de conférence pleine à craquer avec les représentants d’une vingtaine de partis et mouvements politiques. Parmi eux, les têtes d’affiche, notamment Ousmane Sonko et Khalifa Sall, très applaudi à son arrivée. Un à un, les participants ont signé la charte de cette coalition avec comme mot d’ordre : « faire bloc » pour « mettre un terme à la gouvernance du régime de Macky Sall ».
Cette nouvelle entité est une coalition électorale. Ce qui implique que concrètement, pour les élections locales, les municipales et les départementales du 23 janvier, les signataires s’engagent à présenter une liste unique dans chaque commune, ville et département du Sénégal et à s’abstenir de présenter ou soutenir une liste concurrente. Pour les législatives, en théorie prévues en 2022, ils s’engagent à « poursuivre la dynamique unitaire ». Le texte prévoit de « voter des propositions de lois restaurant et garantissant l’ouverture démocratique, notamment en permettant à tous les leaders politiques de jouir de leurs droits civiques et politiques arbitrairement confisqués. » Cela concerne directement Khalifa Sall et Karim Wade, qui restent inéligibles.
Une dynamique pour 2024
Idem jusqu’en 2024, pour la présidentielle où les signataires s’engagent, « le cas échéant, à soutenir le candidat du parti ou mouvement membre de la coalition qui serait qualifié pour le second tour, sous réserve de l’élaboration d’un programme minimal commun. » Dans tous les cas, les participants doivent « s’abstenir, individuellement, de tout compromis ou compromissions politiques avec le régime de Macky Sall », et « s’abstenir de tout acte ou propos visant à jeter le discrédit sur la coalition ».
Une alliance officialisée après un long et discret processus rappelle l’un des signataires de la charte, Moussa Tine. « Neuf mois de discussions pour parvenir à nous mettre ensemble, ici. C’est un moment historique mais c’est aussi un moment très sérieux. Nous allons former un bloc parce que nous n’avons jamais eu au Sénégal une gouvernance aussi cynique. » Lors de la cérémonie de ce jeudi, il a assuré que les signataires n’étaient « pas dans des calculs politicien ». « On sait qu’une coalition est extrêmement difficile. Il y aura un choc des ambitions », reconnait-il, « mais nous avons le défi d’y arriver pour régler les problèmes du Sénégal. »
Des grands absents
Grand absent de la cérémonie : le Parti démocratique sénégalais d’Abdoulaye Wade. Le parti libéral a déploré dans un communiqué « plusieurs jeux dans l’ombre ainsi que des subterfuges (…) qui plombent toute initiative de cette nature ». « Nous avons été pris au dépourvu et déplorons la méthode », affirme un cadre du PDS, qui souligne qu’il « aurait fallu prendre le temps de convenir des modalités d’une alliance ». Et tirer les leçons du passé, souligne pour sa part Mamadou Diop Decroix, leader du parti AJ PADS, qui a décliné la main tendue de Khalifa Sall. « Nous avons connu la déconvenue de 2017 à la veille des élections législatives. Nous étions partis pour une grande coalition et jusqu’à aujourd’hui, l’opposition n’a pas fait l’évaluation de cet échec. » Ne sont pas dans cette coalition non plus, la Convergence Bokk Gis Gis, le CRD, le Congrès de la renaissance démocratique, et la coalition Jotna.
« Les discussions restent ouvertes pour d’autres ralliements », affirment de leur côté les représentants de la nouvelle coalition, qui parlent d’un moment « historique ». Première échéance : les élections locales de janvier prochain, qui seront un test pour cette alliance hétéroclite, avant les législatives prévues -en principe- en 2022, puis la présidentielle de 2024.
« Amputée du PDS, elle a déjà du plomb dans l’aile », estime un observateur de la vie politique. « Même affaibli par des divisions, le parti d’Abdoulaye Wade conserve une forte capacité de mobilisation au niveau local ». Malgré tout, cette coalition est une « nécessité politique » et « un laboratoire », conclut un analyste. Les élections locales seront un test. Avant cela, se posera le problème crucial des investitures.
Avec RFI