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Tribune] Le CNT ne prend pas vilaines habitudes, ni ne s’attribue de missions non attribuées (Mohamed Aly Thiam)

BASE LEGALE DE L’OBLIGATION POUR LE PREMIER MINISTRE DE SE PRESENTER DEVANT LE CNT
Au sujet de la pertinence de l’invitation du Premier Ministre à venir présenter son ‘’Programme de politique générale’’ devant le CNT, il faut placer objectivement les choses dans leur contexte légal et institutionnel, les mettre l’abri de tout envenimement.
Pour commencer, je souligne que quelle que soient la nature et la conjoncture d’un régime, il est impérieux que les organes de l’Etat, principalement ceux investis des fonctions et missions exécutives et législatives, entretiennent et préservent la collaboration et le dialogue, pour le bien de la nation, l’harmonie et la cohérence de leurs actions respectives.
La lecture combinée des articles 2, 51, 52, 56,57 et 69 de la Charte de la Transition fait apparaître le souci des concepteurs de ce texte fondamental de la situation exceptionnelle actuelle, de fixer des règles de collaboration et de dialogue constructif entre l’Exécutif et le Législatif de la Transition.
Sur les 9 missions de la transition, que définit l’article 2 de la Charte, seule 1 pèse, à la lumière de l’alinéa 2 de l’article 37 de la même charte, à titre principal, sur le CNRD.
Toutes les 7 autres missions incombent, collectivement et inséparablement, au CNT (organe législatif) et au Gouvernement (organe exécutif).
L’article 51, en son alinéa 2, confie au Premier Ministre la mission de veiller « au bon fonctionnement des services publics, à la bonne gestion de l’économie nationale, des finances publiques et domaines de l’Etat, des entreprises et des organismes publics ».
Également, le Premier Ministre « assure l’exécution des lois et règlement ».
Ces deux attributions du Premier Ministre sont annonciatrices de son obligation légale de collaborer avec le CNT qui est, conformément à l’article 56 de la Charte, « l’organe législatif de la Transition ».
Les deux premières missions du CNT relatives à l’adoption de la Constitution et des textes législatifs constituent la base de sa collaboration avec le Premier Ministre, qui ‘’assure l’exécution des lois et règlements’’.
L’article 69 indique que « l’ordre du jour du Conseil National de la Transition comporte par priorité, et dans l’ordre que le Gouvernement a fixé, la discussion des projets de loi déposés et des propositions de lois acceptées par lui ».
Cette priorité, accordée au Gouvernement dans la détermination de l’ordre du jour, réfute tous les arguments selon lesquels le Premier Ministre n’est pas obligé de se présenter devant le CNT, car la séance plénière de l’organe législatif est l’espace privilégié du dialogue entre le Premier Ministre, les ministres et l’institution parlementaire sur l’ensemble des questions relatives à :
• la refondation de l’Etat pour bâtir des institutions fortes… ;
• l’engagement de réformes majeures sur les plans économique, politique, électoral et administratif… ;
• l’instauration d’une culture de bonne gouvernance et de citoyenneté….
DE LA FEUILLE DE ROUTE
Les articles 52 et 57 parlent de la ‘’FEUILLETTE DE LA ROUTE’’. Le Premier Ministre soumet (art.52) la ‘’feuille de route’’. Le CNT suit (art.57)‘’la mise en œuvre de la Feuille route de la transition’’.
L’expression ‘’FEUILLETTE DE LA ROUTE’’ est couramment employée pour désigner les grandes lignes, et surtout les étapes, d’une politique, d’une stratégie ou d’un plan d’actions.
Chacune des étapes présente les ambitions et enjeux de politiques publiques, les actions prioritaires concrètes à lancer et la gouvernance mise en place pour en assurer la mise en œuvre.
La feuille de route est une proposition, un recensement des moyens et la priorité des tâches, ainsi qu’un calendrier pour atteindre ces buts.
Elle constitue un pont entre la stratégie et l’exécution, afin de réaliser la vision stratégique de la Transition fondée sur une compréhension claire des ressources, capacités budgétaires à mobiliser, des écarts de financements à combler et des priorités à observer entre les objectifs mentionnés dans la feuille de route, qui présente la vision ou l’intention stratégique du retour à une vie constitutionnelle.

Or, deux instruments servent le Premier Ministre pour de déterminer et conduire la feuille de route. Ce sont les lois (en première ligne la loi de finances) et le budget (ensemble des données chiffrées d’une politique) que vote ou adopte l’organe législatif du CNT.

Dans sa page FACEBOOK, Maître Mohamed TRAORE affirme : « Ce sont quasiment les dispositions de la Constitution de 2010 qui ont été reprises par celle de 2020 sur la question de la déclaration de politique générale. La seule différence, c’est que la Constitution de 2020 parlait d’une déclaration de politique générale devant l’Assemblée nationale suivie d’un vote alors que celle 2010 parlait d’un débat sans vote ».

Il termine par cette interrogation « Mais, déclaration suivie d’un débat avec ou sans vote, quelle en était la conséquence sur le Premier ministre et son gouvernement ? ».

Je réponds, pour avoir été comme Me TRAORE, membre du CNT en 2010, que la conséquence est et demeure l’atténuation ou l’assouplissement du principe de la séparation des Pouvoirs et l’organisation de leur collaboration. Il s’agit moins de la responsabilité du Premier ministre ou du Gouvernement devant le CNT, mais de la réalisation collégiale, cohérente et transparente des activités aboutissant à une Transition réussie.

A la question « Et d’ailleurs, si le Premier ministre devait faire une déclaration de politique générale, quelle en serait la suite ? » La réponse simple et logique est la bonne organisation du débat budgétaire, l’adoption des lois et du budget nécessaires à la réalisation, dans les délais, par les organes de la transition, des activités permettant de sortir le pays de sa situation juridico-institutionnelle exceptionnelle et de créer les solides fondations d’un Etat de droit, démocratique et bien préparé à l’émergence.

La bonne question, me semble-t-il, est : quel est l’obstacle légal ou procédural à la présentation de la feuille de route, telle que définie plus haut, au CNT pour que ses membres comprennent quelles activités sont inscrites dans la feuille de route du Premier Ministre, les sources de leurs financements, et dans quel ordre de priorité ?

Quand le CNT est du même avis que le Gouvernement, il en est la caisse de résonnance. Lorsque, par une déclaration ou une prise de position, il démontre son indépendance, il devient l’âne de la fable de Jean de la Fontaine « les animaux malades de la peste ».

Le Premier Ministre est déjà venu devant le CNT, plus d’une fois. Si problème il y a, il se situe ailleurs, car la Charte de la Transition est claire et la tradition parlementaire veut que, dans le dialogue à entretenir entre tout organe exécutif et tout organe législatif, l’espace de manifestation de leur collaboration est et demeure la salle de délibération de ce dernier et en séance plénière publique ou à huis clos.

L’exigence de collaboration et de dialogue institutionnel oblige le Premier Ministre à se rendre au siège de l’organe parlementaire, pour y présenter les grandes lignes, et surtout les étapes inscrites dans sa feuille de route, en termes de politique, de stratégie ou de plan ou programme d’actions, pour faire adopter les lois et le budget y afférents ou nécessaires.

La lecture combinée d des articles 2, 51, 52, 56,57 et 69 de la Charte de la Transition m’amène à affirmer que le CNT ne s’attribue pas des missions, il exécute ses missions. Parler dans le contexte de la présente transition de responsabilité du Premier ministre devant le CNT déplace le débat.

L’effort doit consister à taire tout commentaire de nature à jeter l’huile sur le feu, à attiser les tensions. Il faut plutôt envisager les choses dans le contexte et l’objectif d’un retour rapide à l’ordre constitutionnel normal, grâce à l’indispensable dialogue institutionnel et à l’incontournable collaboration de l’Exécutif et du Législatif.

Mohamed Aly THIAM