l’heure est à la comparution des victimes au procès des événements du 28 septembre 2009 . Ce mardi, 13 février au tribunal criminel de Dixinn délocalisé à la cour d’Appel de Conakry, nous avons assisté à la toute première comparution de Me Oury Bailo Bah, avocat de profession, qui avait perdu son jeune frère dans ces douloureux évènements qui, selon une enquête internationale a coûté la vie à 150 morts.
Oury Bailo Bah, visiblement à mobilité réduite a déclaré à la barre avoir perdu son jeune frère du nom de Elhadj Hassan Bah, dans les événements du 28 septembre au stade du même nom
Me Oury Bailo Bah a ensuite déclaré que c’est aux environs de 9 heures, ce 28 septembre 2009, que son frère est sorti de la maison, dans le but d’aller assister à un baptême, mais qui a été emporté par le mouvement de foule qui se rendait au Stade. « Vers midi, c’est moi qu’il l’appelle, il me dit : les bérets rouges sont rentrés » et j’entends les crépitements des balles, les gens qui criaient. Puis d’un coup, je ne l’entendais plus mais le téléphone était toujours allumé, j’entendais le bruit (…). Je mets la télé sur France 24, je vois sur la bande passante : massacre du 28 septembre, 10 morts », a-t-il expliqué.
A 13 h, Il dit avoir été informé que le transport des corps et des blessés avaient commencé dans les hôpitaux. C’est ainsi qu’il s’est rendu à Ignace Deen où il n’a pas retrouvé son frère. De là-bas, lui et ses sœurs se sont rendus à la morgue du CHU Donka.
« A Donka, j’ai vu des corps, des blessés et le sang qui coulait. J’ai vu du sang qui coulait comme si nous étions dans une boucherie. Quand les bérets rouges sont arrivés à la morgue, l’ordre a été donné par l’ancien ministre de la santé (Abdoulaye Chérif Diaby)de chasser les gens qui sont venus chercher leurs parents. C’était la débandade.», a-t-il soutenu
Selon lui, c’est aux environs de 18 heures, qu’il a reçu la nouvelle fatidique. « Une personne qui était au stade qui m’a dit mon frère soit courageux, j’ai vu Hassan parmi les morts. Pour être sûr, je me suis approché de son corps j’ai bien vu que c’était lui. J’ai fouillé dans sa poche, j’ai trouvé 7mille et la clé », a-t-il rapporté en larme. Une chose qui a emporté le public.
Toujours dans le souci de retrouver le corps de son frère, pour l’enterrer dans la dignité, lui et ses sœurs se sont rendus dans la soirée du 28 septembre au Camp Alpha Yaya Diallo où des proches qui sont militaires lui ont dit d’aller chez les Tiéboro et Claude Pivi où certains manifestants ont été déposés.
« Quand mes sœurs sont allées on leur a dit de héler son nom comme ça on saura s’il est là-bas. Mais, il y avait beaucoup de gens qui criaient en disant aidez-nous ! Certains militaires ont même dit qu’ils ont eu ce qu’ils cherchaient », a fustigé la victime à la barre.
D’après lui, ce n’est que cinq jours après que la cérémonie de restitution des corps a été organisée, précisant que certains avaient commencé à se décomposer. « Beaucoup de corps avaient commencé à pourrir. Je relève un manque total de dignité dans le traitement des corps. Puis, ils ont annoncé 57 mais il n’y avait pas 57 corps là-bas… Ce qui a été annoncé était en deçà de ce qu’ils ont envoyé. On n’a pas retrouvé le corps de mon frère »,
Il soutient dur comme fer que le corps de son frère a bel et bien été vu au stade du 28 septembre. « Le corps de mon petit frère a été vu sur l’esplanade du stade avec d’autres corps alignés. Il a été photographié et filmé. Mais son corps a disparu. Les personnes qui l’on vu m’ont dit qu’il a reçu un coup à la nuque », a-t-il expliqué en brandissant une photo sur laquelle le corps de son frère est visible.
Oury Bailo dit avoir même passé un test ADN chez le médecin légiste professeur Hassan Bah mais en vain « on nous a dit que son corps ne se retrouve parmi les corps qui ont été enterrés »
« Nous n’avons même pas une tombe où nous recueillir. Ce que nous retenons c’est son souvenir… Je voudrai qu’on me dise où se trouve le corps de mon frère… C’est bien une preuve qu’il a été tué, c’est également une preuve que son corps a disparu… J’ai même été obligé de mentir à ma mère à qui j’ai dit que le corps de mon frère était tel qu’on peut pas le transporter », a-t-il dit en substance .
Les débats se poursuivent au tribunal de Dixinn délocalisé à la cour d’Appel de Conakry.
Kalifatou Doumbouya
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