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Espagne: le baiser forcé de Rubiales à la joueuse Jenni Hermoso s’inscrit «dans un rapport de domination»

En Espagne, malgré le tollé suscité par son baiser forcé à la joueuse Jenni Hermoso, Luis Rubiales a décidé de ne pas démissionner et parle d’un geste « consenti ». C’est ce que le patron du foot espagnol a déclaré lors d’une assemblée générale extraordinaire qui s’est tenue le vendredi 25 août. Un discours qualifié de « lunaire » et d’« inacceptable »  par beaucoup, alors que les messages de soutien à la footballeuse se multiplient.

Selon Sandy Montañola, chercheuse spécialisée dans le sport, «il y a quand même un rapport de domination entre des personnes qui ont un lien hiérarchique, donc entre un président de fédération – et c’est le cas aussi pour les entraîneurs – puis des joueuses». AFP

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Dans un discours que beaucoup qualifient de « lunaire », Luis Rubiales s’excuse pour son attitude durant cette finale, mais fustige une cabale contre lui. Surtout, il affirme que le baiser forcé à Jenni Hermoso lors de la remise de la Coupe du Monde était consenti, ce que dément la joueuse. Une contre-attaque très particulière alors qu’une plainte pour agression sexuelle a été transmise à la justice espagnole et que la Fifa a ouvert une enquête.

 

Alors en Espagne, un seul mot d’ordre : solidarité avec Jenni Hermoso, qui dément les propos de Rubiales. La double ballon d’or Alexia Putellas a ainsi fait part de son indignation. Les joueuses de la Roja commencent, quant à elles, à briser le silence : 81 joueuses, dont les 23 championnes du monde, ont décidé dans un communiqué de boycotter l’équipe d’Espagne tant que la direction de la fédération ne changerait pas.

Dans les rues de Madrid aussi, les déclarations du patron du foot espagnol ont choqué. Pour Sonia, la cinquantaine, la décision de Luis Rubiales est plus que surprenante : « Je n’y ai pas cru. J’étais bouche bée. Il a encore rejeté la faute sur cette pauvre fille. C’est un discours clairement machiste qu’il a eu. C’est à n’y rien comprendre. Beaucoup de pays sont en train de se demander ce qu’il se passe. Quelle image donnons-nous ? »

Même son de cloche pour Carmen, 27 ans, qui estime que l’attitude de Luis Rubiales pourrait servir de déclic : « Je crois que plus qu’un coup contre les violences faites aux femmes, il nous donne raison. Parce qu’avec ses attitudes de Cro-Magnon, avec ce qu’il a fait pendant le match, ensuite l’excuse, puis revenir sur ses excuses… Je crois que plus qu’un coup, ça peut donner un élan. »

« La réaction, c’est toujours de minimiser la portée du geste »

La chercheuse Sandy Montanola, spécialisée dans le sport, explique comment les agresseurs justifient systématiquement leurs gestes : « La réaction, c’est toujours de minimiser la portée du geste, c’est essayer de le normaliser à la fin. C’est-à-dire faire d’une part comme si le milieu sportif était un milieu à part ; un milieu récréatif – avec la victoire et l’ambiance qu’il peut y avoir – comme si tout cela pouvait venir justifier ce comportement. L’autre réaction est de se dire victime soit du féminisme, soit d’adversaires qui en voudraient à la position qu’on occupe. Il faut quand même rappeler que le sport, ça reste un milieu professionnel comme les autres, donc avec des règles. » Pour la chercheuse, ce geste symbolise aussi tout un système : « Ce qu’on voit ici, c’est qu’il y a tout de même un rapport de domination entre des personnes qui ont un lien hiérarchique, donc entre un président de fédération – et c’est le cas aussi pour les entraîneurs – et des joueuses. Cela reste ensuite compliqué pour les athlètes de pouvoir aller dénoncer des personnes dont elles sont dépendantes elles-mêmes, soit pour leur carrière, soit parce qu’elles sont au sein d’un collectif. »

Un acte qui doit être « puni pour montrer l’exemple »

Pour Candice Prévost, ancienne joueuse de football professionnelle, il est désormais nécessaire qu’une sanction soit prise, au moins pour l’exemple : « Luis Rubiales a dit que ce n’était pas forcément approprié parce que c’était visible. Mais ça veut dire quoi ? Cela veut dire que potentiellement, si ce n’est pas visible, c’est approprié ? Que ce soit visible ou invisible, ça reste très grave et il faut que ça soit puni pour montrer l’exemple et pour simplement arrêter ces comportements-là. On est en 2023. De plus, pour moi, on n’a pas encore assez célébré la victoire des Espagnoles. [Luis Rubiales] a complétement effacé cette victoire. Et je trouve cela inadmissible. »

 RFI