Je ne suis pas juriste. En tout cas jusqu’à présent. Je ne crois pas qu’on ait forcément besoin de porter une robe dans le climat caniculaire africain pour lire et comprendre un document de justice dans un langage accessible à tous (à part quelques jargons nébuleux qu’on peut aussi rapidement déchiffrer et contextualiser a l’aide de Google ou Wikipedia et autres.)
Je parle d’un cas particulier. Mais il peut être généralisé. C’est celui du jeune Mamadi Conde alias ‘’Madic100 frontières, activiste d’un parti de l’opposition de son état. Je précise ici que je ne connais pas l’individu en question. Ce n’est pas l’important.
Il écope de plusieurs années de prison selon la juge, qui justifie sa décision par une série de chefs d’accusations dans un français que seul un diplômé de la Sorbonne peut comprendre.
Dans l’ensemble, il lui est reproché de diffamer par internet les autorités, via Internet. Sans armes, ni flèche. Seulement par internet. Il faut rappeler ici qu’aucune vie humaine n’est à déplorer, Dieu merci, suite à cette diffamation sur internet. Contrairement aux détournements à ciel ouvert que nos juges, pour des raisons qu’eux seuls savent, refusent d’instruire. On dirait que les procès des auteurs de détournement sont le totem absolu de la justice guinéenne. On a tout fait, mais elle ne veut jamais entendre parler de ca. On ne sait vraiment pas pour quelles raisons. Et les arguments portant sur la “procédure judiciaire” et le “manque de moyens” avancés à la pelle par les juges n’arrivent pas à convaincre. On peut plutôt parler d’un manque de volonté de la Justice. Justice sans volonté n’est que ruine d’une nation, crierait Rabelais, s’il vivait pour voir le comportement de la justice dans ce pauvre pays.
Je me suis posé la question de savoir sur quelles bases repose la justice guinéenne pour rendre des verdicts ridicules, parfois à la limite de la schizophrénie, à travers des jugements en décalage apparent avec les réalités africaines?
La justice guinéenne tire-t-elle sa raison d’être de l’Afrique ou d’ailleurs ? C’est la question que l’on pourrait se poser au regard des peines distribuées à tour de bras, comme des bonbons, pour des fautes ou erreurs qui ont d’autres remèdes en Afrique.
Animé de cette curiosité, je suis tombé sur des documents, dont entre autres (Droit juridique de la Guinée) qui ont fini par justifier mes craintes les plus cauchemardesques. A savoir que la justice guinéenne ne puise pas sa propre origine juridique de son propre pays comme à l’image du Case law anglais qui est un des piliers du système juridique anglais. Les juges anglais ont construit leur canon juridique rien que sur la base de l’expérience anglaise. La justice guinéenne, malheureusement, ne fait aucun effort pour donner ne serait-ce qu’un contenu au panier de son nom qui est pour le moment troué par des décisions irrationnelles de ses animateurs qui heurtent le bon sens. Cette justice fonctionne dans un monde parallèle, d’où le grand niveau de méfiance et d’incompréhension des populations envers certaines de ses oukases.
Système juridique
Le système juridique en Guinée est fortement inspiré du droit d’origine napoléonienne. Vous avez bien lu: ‘’loi napoléonienne’’. Allons encore plus loin pour se demander: c’est quoi cette loi napoléonienne?
“Le Code civil des Français, appelé usuellement « Code civil » (souvent abrégé en « C.civ. », « C. Civ. » ou « CC »),« Code Napoléon » ou encore « Code napoléonien », est un code juridique qui regroupe les lois relatives au droit civil français, c’est-à-dire l’ensemble des règles qui déterminent le statut des personnes (livre Ier), celui des biens (livre II) et celui des relations entre les personnes privées (livres III et IV).
Ai je bien lu?
Le Code Napoléon détermine entre autres les relations entre personnes privées en France (on dit bien la France) mais c’est ce même code qui sert d’inspiration au système juridique guinéen, alors que plus de 80% des Français, la majorité absolue, n’ont jamais entendu parler de la Guinée, et sont incapables d’indiquer ce pays sur une carte, encore moins être au fait des us et coutumes de ce lointain pays africain, sans routes ni électricité permanente. Ça marche sur la tête en Afrique.
Ils ne sont pas scandalisés. Bienvenue au pays des singeries sans progrès. Mais Rabelais, ne serait-ce que pour sauver l’honneur bafoué de la conscience de cette humanité sans humanité, aurait hurlé de tous ses poumons : ‘’justice sans volonté n’est que ruine d’un peuple.” A méditer.
Mory Sylla, citoyen lambda guinéen