Faire avance sur salaire, faire Pâques avant rameaux, etc. En Guinée, les mères-célibataires, celles longtemps infantilisées, ostracisées, vilipendées pour avoir enfanté hors mariage, se comptent à des centaines, avec un niveau d’étude variant. Leur « péché », trop visible, leur vaut d’être mises à l’index, le plus souvent, à vie. Aujourd’hui, celles qui sont prises jusque-là comme un peu filles faciles, par rapport aux autres, alors que bien souvent l’homme est autant responsable n’ont plus la tête au sceau de la honte.
Les mères célibataires sont encore mises au ban dans bien de familles en Guinée. Elles sont vues à tort ou à raison sous le prisme de la délinquance, de la noce ou de l’ignorance. L’un ou l’autre cas, mineures ou majeures, ces filles-mères sont méprisées, honnies, bannies, parfois sans ressources, les filles-mères sont considérées comme des traînées irrécupérables.
Le ciel se dégage et nombreuses d’entre elles restent fières d’avoir réussi à garder une grossesse jusqu’à terme, sans avorter. L’enfant issue de cette union pour l’essentiel, la fille-mère ne vit pas avec le père de l’enfant est pris comme un prince dans bien des familles. Oublié tout l’acharnement. Oubliées toutes les invectives.
F. B, dans la haute banlieue de Conakry, 25 ans à peine est fière de nous raconter sa mésaventure : « J’ai rencontré un homme, on a vécu ensemble juste pour quelque temps, puis je suis tombée enceinte, alors que j’avais déjà deux autres enfants de pères différents. Je suis très féconde. L’auteur de ma grossesse a pris son avion, il s’est installé à Bruxelles. Ni appels, ni nouvelles. Je peine à trouver tout ce qu’il faut pour nourrir mes enfants. J’ai cherché des soutiens, mais, visiblement, je n’en trouve pas encore. »
Son élocution nous fait croire qu’elle a un bon niveau. Mais surtout soucieuse de l’avenir de ses bouts-de-choux. Très susceptible et désormais prudente, elle analyse toutes questions avant de répondre. Elle voit des raisonnements vicieux partout. Aux dernières nouvelles, elle a repris un job qu’elle avait abandonné, le temps de se remettre. Comme cette fille, mère célibataire, il y en a à la pelle, elles méritent d’être réhabilitées, entretenues pourquoi pas dans des « maisons maternelles » destinées à enrayer la mortalité infantile et les abandons à la naissance. A cet effet, le Département des Affaires sociales est encore interpelé.
Etre mère célibataire aujourd’hui n’est rien de gênant, du moins, pour des filles dont le seul objectif c’est de faire un enfant, afin d’éviter le stress du ménage et le spectre des divorces en cascades. « J’ai mon garçon de plus d’un an. Son papa ne me parle même plus. Il donne parfois la dépense. Et en même temps, il négocie pour m’épouser. Son option est ridicule. Je ne suis pas prête à une quelconque union », se lâche Fatim, brisant le sceau de la honte, le poids de l’opprobre, l’injustice et en jurant de voyager une fois que son enfant prendra un peu de kilos avec sa grand-mère.
Thierno PEREDJO