« Laissez donc la Chine dormir, car lorsque la Chine s’éveillera le monde entier tremblera ». La paternité de cette prophétie est attribuée à Napoléon 1er. Ensuite, Alain Peyrefitte en fera le titre de son ouvrage paru en 1974. Depuis quelques années, la Chine s’est effectivement réveillée et le monde, surtout occidental, en tremble.
Mais les relations de la Chine avec le monde extérieur sont régies par cinq principes, dits principes de la coexistence pacifique. Il s’agit du respect mutuel de la souveraineté et de l’intégrité territoriale ; de la non-agression mutuelle ; de la non-ingérence mutuelle dans les affaires intérieures ; de l’égalité et avantages réciproques ; et de la coexistence pacifique.
Elle met en œuvre ces principes vis-à-vis du continent africain avec lequel elle a partagé les mêmes revendications dans les années 50 au cours de la Conférence de Bandung en Indonésie. Présente à cette réunion à travers son premier ministre Zhou Enlai, la Chine s’était alors associée à une des résolutions phares de la conférence relative à la lutte contre le colonialisme et au non alignement des pays africains et asiatiques aux deux blocs qui dominaient le monde : le capitaliste et le communiste. Pour la Chine l’esprit de Bandung reste toujours d’actualité dans ses relations avec l’Afrique .
Ainsi, à la différence des puissances occidentales, la Chine ne se préoccupe guère de la nature (démocratique ou pas) des régimes politiques en place dans le continent africain, car le plus importan à ses yeux, c’est la coopération avec le continent qui n’est n’est soumise à aucune conditionnalité politique. Cette posture conforte largement dans leurs positions les régimes enclins à violer les droits de l’homme.
Pour Lu Shaye, ambassadeur de la Chine en France et à Monaco depuis 2019 et ancien « Monsieur Afrique » de la Chine,.. ayant commencé sa carrière diplomatique en Guinée Conakry, « Les Africains sont contre l’ingérence, les Chinois aussi ». Selon Beijing information « Pendant 60 ans, la Chine a activement pratiqué ce qu’on a appelé « l’esprit de la Conférence de Bandung
Des années 2000 à nos jours, l’esprit de la Conférence de Bandung s’est davantage structuré et est désormais incarné par le Forum sur la Coopération Sino Africaine (FCSA) qui est composé de trois niveaux: la Conférence ministérielle qui se tient chaque trois ans ; la réunion de suivi des hauts fonctionnaires qui se tient avant la Conférence ministérielle et la réunion préparatoire des hauts fonctionnaires qui se déroule quelques jours avant la Conférence ministérielle. En juillet 2001, le FCSA s’est doté d’une « Procédure » relatif au mécanisme de suivi de ses décisions. Son objectif étant d’évaluer la mise en œuvre de ses décisions.*
La première Conférence ministérielle du FCSA s’est tenue à Beijing du 10 au 12 octobre 2000. Son objectif était de mettre entre l’Afrique et la Chine un cadre de «consultations sur un pied d’égalité, approfondir la connaissance mutuelle, élargir les consensus, renforcer l’amitié et promouvoir la coopération ». Au cours de cette Conférence, deux thèmes ont été débattus entre les parties. Le premier est la contribution au Forum à l’instauration d’un ordre politique et international pour les 21 siècle et le second est le renforcement dans le cadre du nouveau contexte, la coopération économique et commerciale entre la Chine et l’Afrique.
Les mécanismes de consultation entre la Chine et les Etats africains connaissent de nouveaux développements depuis 2006, en particulier lors de la Conférence ministérielle du FCSA à Beijing. Il a été décidé au cours de cette Conférence que les ministres des affaires étrangères africains et chinois des affaires étrangères devaient dorénavant se concerter lorsqu’ils se réunissent à l’assemblée générale des nations unies.
Avec l’Afrique, la Chine fait feu de tout bois pour plaire et séduire. A l’occasion de la pandemie de la covid 19, qui y est née, la Chine en réponse, après avoir fourni de nombreux efforts pour circonscrire la maladie sur son territoire, est aussi le premier pays du monde à conquérir le cœur des africains en leur livrant les vaccins contre la covid19. Ce n’est que tout récemment lors du sommet de G7 tenu au Royaume uni ( un sommet dominé par le monde occidental) qu’il a été décidé de fournir un milliard de doses de vaccins contre la covid19, d’ici 2022 aux pays en développement. En Afrique, la Chine déploie une diplomatie sanitaire dont elle espère récolter les fruits à travers la disponibilité des gouvernements de ce continent à ouvrir davantage leurs pays à l’empire du milieu. Bref l’Afrique semble être une priorité dans l’agenda diplomatique chinois. Et ses besoins en matières premières et d’affirmation de sa puissance dans le monde y sont effectivement pour quelque chose.
Youssouf Sylla