Depuis plus de deux semaines, le procès historique en Guinée des auteurs présumés de meurtres, de viols et d’autres abus commis le 28 septembre 2009 dans un stade de la capitale, Conakry, est suspendu en raison d’un boycott de la part des avocats des accusés et des parties civiles. Lors d’une attaque contre une manifestation pacifique en 2009, les forces de sécurité guinéennes ont ouvert le feu sur les manifestants. Plus de 150 personnes ont été tuées et des dizaines d’autres ont été violées. Puis les forces de sécurité se sont efforcées de dissimuler ces crimes, enterrant les corps dans des fosses communes.
Le boycott du procès a commencé après que les avocats eurent réclamé une aide juridictionnelle, c’est-à-dire une compensation financière, pour leur travail d’assistance juridique, étant donné que leurs clients ont des ressources limitées et compte tenu de l’« étendue des tâches, de la complexité du procès et de sa durée ». Le ministre guinéen de la Justice, Alphonse Charles Wright, a souligné que l’un des prévenus qui avait demandé un avocat commis d’office en avait obtenu un. Il a ajouté que « si les [autres] parties … disent maintenant qu’elles ne peuvent pas payer [les avocats], l’État […] prendra le relais », mais que le ministère de la Justice « ne bougera pas d’un iota » pour inscrire au budget de quoi payer les avocats actuels.
Un changement des équipes d’avocats survenant maintenant poserait de grosses difficultés. De nouveaux avocats auraient besoin d’une période de familiarisation et de ressources adéquates pour préparer la défense, ce qui entraînerait un retard substantiel du procès, étant donné la complexité et la dimension de l’affaire.
La controverse au sujet de l’aide juridictionnelle survient alors que des informations font état d’un épuisement général du budget du procès et d’inquiétudes quant à la possibilité que les ressources allouées soient insuffisantes pour mener le procès à son terme.
Un Comité de pilotage pour le procès du massacre du stade, composé d’autorités guinéennes et de partenaires internationaux de la Guinée, dont les Nations Unies, l’Union européenne et les États-Unis, pourrait aider à sortir de l’impasse actuelle et à résoudre les questions budgétaires. Deux sources d’inspiration pourraient être trouvées dans les arrangements concernant l’aide juridictionnelle pour les procès complexes des accusés de certains crimes particulièrement atroces, qui se tiennent au Sénégal et en République centrafricaine.
L’ouverture impatiemment attendue de ce procès en Guinée, 13 ans après le massacre, et les progrès de la procédure ont généré de l’espoir pour les victimes et pour leurs familles. Avant l’actuel hiatus, les juges ont entendu les dépositions de tous les accusés – dont un ancien président et d’anciens ministres – et de dizaines de victimes, lors de séances du tribunal qui ont été suivies attentivement en Guinée.
La Guinée et ses partenaires internationaux devraient trouver un moyen de faire sortir le procès de l’actuelle impasse, afin que justice puisse enfin être rendue, à la fois pour les victimes et pour tous les Guinéens épris de justice.
Human Rights Watch