Elaboration du plan de développement local, construction et rénovation des infrastructures, mise en place de la police communale, dégagement des emprises des routes, désenclavement des zones de production, sont entre autres actions menées par le conseil communal installé en novembre 2018. Dans cette interview accordée à votre quotidien, le maire Yomba Sanoh parle du bilan des activités menées en faveur des populations avec l’appui des autorités et des partenaires mais aussi des difficultés rencontrées par l’exécutif communal ces dernières et les défis à relever pour un développement harmonieux et durable de la cité …
Horoya : Bonjour M. le maire, après votre installation quelles ont été vos priorités pour la commune urbaine ?
Yomba Sanoh : Bonjour et merci beaucoup
Après notre installation le 18 Novembre 2018, nous avions beaucoup de priorités. D’abord celle de doter la commune urbaine (CU) d’un plan de développement local (PDL) à travers le diagnostic socioéconomique local (DIASEL) dans tous les quartiers et secteurs afin de connaître la priorité des citoyens et mettre ça dans un document appelé PDL pour une durée de 5 ans. Cela a été fait à travers des mini forums organisés dans les quartiers et ce PDL a été approuvé en janvier 2019 par tous les partenaires, les responsables des différents quartiers, les organisations de la société civile mais aussi par la tutelle. Ce PDL qui expire fin 2024 nous permet d’évoluer dans les différentes activités de développement.
Après avoir élaboré le PDL nous avons constaté que la ville a besoin d’une réorganisation afin de faciliter la circulation et éviter des accidents qui étaient devenus récurrents près du marché des condiments. Tout en dégageant les emprises des routes. Il fallait aussi réhabiliter certains tronçons dans la commune urbaine.
Ensuite, nous nous sommes dit qu’il fallait faire face à la sécurité des personnes et des biens. Dans certains quartiers comme Korodou, Limanya et Sogbhè un peu éloignés de la ville, on a installé des postes de police pour rapprocher la sécurité des populations. Nous avons engagé aussi des actions sociales suite au constat que nous avons fait concernant les enfants qui vendaient des articles au marché. Nous nous sommes dit que la place d’un enfant c’est à l’école. C’est ainsi que nous avons recruté la première vague de 10 enfants en situation difficile et nous les avons scolarisés. A ce jour, nous avons 45 enfants qui étaient en situation difficile dans les écoles et dont tous les frais de scolarité sont à la charge de la commune. Certains de ses enfants font aujourd’hui la 4ème année et sont souvent premier de leur classe.
L’autre constat que nous avions fait après notre installation, c’est que Kissidougou avait tendance à perdre l’une de ses valeurs en termes d’éducation. Puisque dans les temps lors des examens nationaux, on était souvent parmi les meilleurs et si on n’est premier de la République on est deuxième ou troisième en tout parmi les meilleurs au classement national. Dans ce cadre on a fait une réflexion avec la direction préfectorale de l’éducation (DPE) sur ce que la commune peut apporter pour donner vraiment une valeur ajoutée à notre système éducatif de notre localité. Pour cela, il fallait d’abord encourager les meilleurs élèves. Nous avons encouragé ces élèves jusqu’à 7 millions GNF. Après nous avons organisé un système d’internat pour tous ceux qui font la terminale et la DPE a validé ça et un centre collectif a été créé en fonction des différentes options. Ceux qui font sociales sont ensemble et la même chose pour ceux des sciences expérimentales et mathématiques. Pour cet internat nous avons mobilisé 15 millions que nous avons mis à la disposition de la DPE pour prendre en charge certains enseignants afin que ce programme soit un succès. Finalement Kissidougou a retrouvé sa place ancienne puisque nous avons eu ces derniers temps le deuxième de la République, le 11ème etc. nous avons constaté que ceux qui fuyaient Kissidougou pour faire le BAC à Siguiri, à Kankan ou ailleurs font confiance au système d’ici et ça réussit. Nous sommes restés dans ce cadre pour tendre la main à nos ressortissants pour nous appuyer et nous avons réussi à fournir à la DPE 20 milles cahiers, 350 sacs scolaires pour distribuer aux structures déconcentrées du système éducatif mais aussi pour donner aux enfants en situation difficile.
Nous ne nous sommes pas limités à ça, nous avons cherché et obtenu un partenariat entre notre commune et une commune française dans le cadre de l’éducation. Ce partenariat a permis de déplacer trois experts de la France en 2020 et ils ont fait 2 semaines ici à Kissidougou pour former nos enseignants sur le système d’évaluation des enfants. Je vous assure que cette formation a permis aux enseignants de comprendre comment évaluer un élève. Puisque souvent on pouvait noter les résultats définitifs mais on oubliait souvent les démarches. Alors que les démarches sont plus importantes que les résultats en sciences exactes.
Justement, au niveau des infrastructures, pouvez-vous nous en dire un peu ?
Concernant les infrastructures scolaires, nous avons rénové, clôturé et équipé l’école Cabral à hauteur de 800 millions GNF pour quelque 15 salles de classes. Aussi, avec le partenariat Plan International Guinée et KFW on a 8 écoles en chantier dans la commune urbaine.
Dans le domaine de la santé également, nous avons mené beaucoup d’actions notamment le poste de santé de Korodou qui était très vétuste a été rénové, équipé et même le personnel recruté et mis à disposition. Ce qui fait qu’actuellement cet établissement fonctionne bien à la satisfaction des populations. Toujours dans le même domaine on a tissé une relation avec la miss 2019, Mariam Touré pour un projet de prise en charge gratuite des femmes ficeleuses, toute chose qui nous a permis de prendre en charge 10 femmes ficeleuses et leur accompagnement. Autrement dit, après leur traitement, donner un montant symbolique de 2 millions cinq cent mille à chacune d’elles pour leur réintégration dans la société. Nous avons aussi participé à l’équipement de l’hôpital central à travers la commune urbaine et ses partenaires. Les 17 centres de santé de la préfecture de Kissidougou ont été dotés de pots en chaise pour plus de facilité aux femmes en état de grossesse avancé.
Le total fait 45 chaises en pots qui ont été partagées entre les 5 centres de santé de la commune urbaine et les 12 autres centres de santé des autres communes rurales de Kissidougou.
Nous avons mis en place un système d’évaluation des centres de santé qui appartiennent à la collectivité et chacun d’eux est géré par un comité de gestion qui est nommé par le maire. Cela crée une sorte de compétition entre eux. Chaque fois qu’un comité est classé premier, on mène une activité là-bas. Dans ce cadre, Hermakono s’est taillé la part du lion à deux reprises. On leur a demandé leur priorité, ils ont dit que l’accès au centre de santé était très difficile. La commune a arrangé correctement le tronçon en mettant un caniveau fermé et les gens sont très satisfaits. Nous attendons des équipements pour l’hôpital préfectoral en janvier prochain avec un partenaire.
Sans oublier que nous avons un partenaire français qui vient ici chaque année pour offrir gratuitement des soins et des médicaments à la population.
Les marchés constituent des sources de recettes pour la commune. Qu’avez-vous fait à ce niveau ?
Concernant les marchés qui sont effectivement des sources de recettes pour la mairie, nous avons mené des actions pour améliorer la situation que nous avons héritée. A notre arrivée, nous avons trouvé que la place des martyrs était occupée par nos mamans, il fallait libérer ces lieux, mais comment ?
Il fallait trouver un autre endroit où loger ces mamans qui ne cherchent qu’à satisfaire leur quotidien. Or, la commune n’avait pas les moyens de construire un nouveau marché. Nous avons eu l’initiative de faire-faire dans le cadre de développement. Etant donné que moi j’ai travaillé dans des institutions comme le projet faisons ensemble mais aussi à l’OMS. C’est ainsi que nous avons appelé les populations qui ont les moyens et nous leur avons demandé de construire cette infrastructure pour leur propre développement. Il s’agit de construire le marché de Sogbhè qui comprend plus de 400 boutiques et nous nous sommes dit qu’on ne peut pas donner ça à une seule personne, au contraire. Nous avons fait un appel d’offres. Il y a 20 boutiques à construire ici avec un plan commun mais pour avoir une place il faut payer 500 mille GNF. Ce montant sert à prendre en charge l’entrepreneur en charge d’élaborer le plan et de suivi des activités. Ceux qui sont intéressés postulent. Certains disent qu’ils veulent deux, d’autre trois etc. On attribue des places à des postulants en fonction de critères bien définis avec un délai clairement établi. Et c’est mentionné dans les cahiers de charge que ceux qui ne respectent pas les délais, on retire le marché et sans aucun remboursement. Les contrats ont été signés et nous avons les archives. Cela nous a permis de construire 430 boutiques à Sogbhè, un quartier se trouvant à 4 kilomètres du centre-ville sans que la commune ne débloque aucun franc de sa caisse. Après la construction, les bénéficiaires des marchés exploitent dix ans durant à leur propre compte. Après ces dix ans, cela revient dans le portefeuille de la commune. C’est ce qu’on a appelé le faire faire. Impliquer la population dans son propre développement. Le bénéficiaire gagne en gérant sa boutique pendant dix ans et après il peut signer un contrat de location avec la commune que ce soit nous ou bien une autre équipe. Ces 430 boutiques vont payer les CFU et les patentes à l’Etat pas seulement à la commune. Le résultat est que nous avons contribué non seulement à augmenter l’assiette fiscale pour l’Etat mais aussi des sources de recettes de la commune urbaine. Ce nouveau marché que nous avons créé fonctionne et nous y avons même transféré la gare routière. Le même système nous a permis de construire 33 boutiques en face du stade préfectoral. Lesquelles boutiques fonctionnent depuis trois ans et le contrat est de 7 ans. Donc dans 4 ans cela revient dans le portefeuille de la commune. Mais durant les 7 ans ils ne paient que les droits de marché à la commune en raison de 20 mille GNF par boutique et par mois.
A korodou, un autre quartier de la CU, nous avons fait le même système et nous avons actuellement 80 boutiques qui fonctionnent.
Autre action, lorsque nous avons pris fonction, le marché central de Kissidougou n’appartient pas à la commune mais aux commerçants qui avaient un bail de 15 ans. Mieux, ils exploitent ces lieux depuis 49 ans au lieu de 15 ans. Quand on a pris fonction, étant jeunes on s’est dit qu’il est de notre devoir de laisser des impacts positifs sur notre ville. On a convoqué ces commerçants qui nous ont dit qu’ils ont l’habitude de travailler avec l’équipe de la mairie et qu’ils donnaient un peu d’argent au maire et à ses collègues. Je leur ai dit ce que vous donné là, il faut le donner à tout Kissidougou pas à un petit groupe. J’ai dit votre contrat est terminé puisque c’était 15 ans et vous avez fait 49 ans dans les conditions normales je dois vous poursuivre tous pour payer le reliquat à la commune.
Je ne m’engage pas sur cette voie pour plusieurs raisons mais chacun de vous est désormais obligé de signer un contrat avec la commune pour exploiter ces lieux. Ils ont accepté de signer des contrats de 5 ans qu’on pourra renouveler. Avant de signer les contrats je leur ai dit de se renseigner à travers d’autres Préfectures comment ça se passe pour une telle activité commerciale. Ensuite ils sont venus me demander comment faire, je leur ai dit de me dire combien ils peuvent payer. Ils ont dit qu’ils veulent prendre les grandes boutiques à 75 000 GNF par mois, les petites boutiques à 60 000 GNF par mois. J’ai dit pour vous prouver que nous ne sommes pas contre vous et qu’on est avec vous prenez les grandes boutiques à 70 000 GNF et les petites à 50 000 GNF, ils ont tous applaudit. De ce fait, mon objectif est atteint et les contrats ont été signés pour les 300 boutiques que compte le marché central. Tous ceux qui ont construit ont signé les contrats sans distinction de races, d’ethnies ou de religions. Aujourd’hui, subvention de l’Etat ou pas nous avons notre source de recettes qui nous permet de payer les 53 contractuels de la commune dès le 25 du mois. Heureusement, nous n’avons aucun arriéré depuis 2018. Ce qui nous a beaucoup aidé c’est que tous les contribuables versent à la banque et ils donnent le reçu au receveur qui délivre la quittance.
C’est pourquoi, avec ANAFIC, nous avons réussi à augmenter, sur fonds propres, les montants alloués à notre commune. Par exemple, la première année, ANAFIC a mobilisé 2 800 millions pour notre commune. Nous y avons ajouté 400 millions GNF pour réaliser des actions de développement en faveur des populations. Contrairement à certaines communes qui n’ont pas pu utiliser la totalité du montant alloué par l’ANAFIC.
Interview réalisée par
Alhassane Barry